Les
diverses éditions du livre d'Alfred Ronalds (contenant les
planches couleurs) : De droite à gauche :
Depuis
quelques années, on peut aussi trouver diverses copies
économiques réalisées à
partir de pdf en
ligne, mais les planches, de qualité discutable, sont en
noir et
blanc.
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The
Fly-Fisher's Entomology : Alfred Ronalds
Si,
chez les pêcheurs anglo-saxons, le livre le
plus connu est le « Compleat
Angler »d’Isaak Walton et de
Charles Cotton,
chez les moucheurs, il en est un qui eut longtemps leur
préférence, c’est le
livre d’Alfred Ronalds, « The Fly-Fisher’s
Entomology »*, édité pour
la
première fois en 1836. A
cette période, l’auteur fit
particulièrement
preuve de courage et d’innovation en publiant un ouvrage
d’avant-garde
proposant des dessins d’insectes et des mouches artificielles
correspondantes,
avec les appellations latines initiées quelque quatre-vingts
ans plus tôt par
Linneaus. La production était et reste de qualité
avec ses dix-neuf planches
admirables de dessins, montrant notamment les mouches naturelles
intéressant
les pêcheurs et, à côté,
leurs imitations emplumées. Chaque espèce et son
artificielle font aussi l’objet d’une description
accompagnée de la formule de
montage du modèle. Cela en fit un ouvrage unique
à cette époque. D’autres auteurs,
notamment Halford et son ami Mosely, échouèrent
à proposer la même qualité
d’illustrations et nous aurions tendance à penser
qu’aucun livre, avant La
truite d’Antoine Vavon, consacré aux insectes
aquatiques du pêcheur, ne vint
rivaliser avec l’œuvre picturale de Ronalds. C’était
le résultat des collectes d’insectes et
des patientes observations de l’auteur. A cette fin, dans les
années 1830,
Ronalds édifia une hutte, aménagée en
observatoire à 1,50 m au-dessus de l’eau
sur une rive de la rivière Blythe, affluent de la Trent,
à l’ouest des
Midlands, qui lui permit, avec quelques amis, de réaliser
diverses expériences,
certaines peu communes allant même
jusqu’à proposer des grains de poivre ou des
mouches de maison enduites de moutarde aux poissons afin
d’analyser leurs
réactions… Cet abri lui permit ainsi
d’observer la vie aquatique au pied d’un
virage de la rivière offrant divers profils de courants,
sans être vu des
truites et ombres. Ronalds
est né dans un
faubourg de Londres en 1802. Rentré en apprentissage
à l’âge de 15 ans, il
devint rapidement un maître dans l’art de la
gravure sur cuivre et de la
lithographie. Manifestant un esprit ouvert et intelligent, il
s’intéressa à
d’autres sujets scientifiques comme le prouve le chapitre de
son livre sur la
vision des poissons dans lequel il maîtrise les lois de
l’optique. Suite au
succès de ses premières (petites)
éditions, il exerça aussi la profession de
monteur de mouches, au gré de ses
déménagements au Pays de Galles. Souhaitant
peut-être se détacher du cadre de
félicité évanouie avec le
décès de son épouse, il
émigra en Australie, en 1848,
après avoir approuvé la quatrième
édition de son livre. Il y mourut en 1860. En
1856, à la cinquième édition de
l’ouvrage,
furent ajoutés quelques compléments,
principalement dans la nomenclature des
insectes, notamment certains noms d’espèces
absents dans les éditions
précédentes. Cette nomenclature est
obsolète aujourd’hui. Nous vous proposons
une table de synonymie actualisée. Que
Ronalds n’ait dépeint que des insectes
adultes, excluant larves et nymphes – ce qu’osent
lui reprocher certains
auteurs britanniques aujourd’hui… - et leurs
imitations artificielles à une
période où les pêcheurs pratiquaient la
mouche noyée, peut paraître étonnant.
Mais le doute peut subsister sur la façon de
pêcher de l’auteur quand il
écrit que les mouches doivent être
déposées doucement à la surface de
l’eau et qu’elles doivent dériver
librement avant que le pêcheur ne tende sa
ligne… De nos jours, nous aurions plutôt tendance
à noyer très rapidement nos
mouches pour qu’elles viennent défier la truite
dans les meilleures conditions,
vers l’aval... Revient encore la question de
l’utilisation de la technique de
la mouche sèche qui ne devait certainement pas en
être, en 1836, à son coup
d’essai… L’illustration du livre En
1839, avec la deuxième édition, une
vingtième
planche, en frontispice – la belle planche montrant une
truite, un ombre et un
tacon -, vint s’ajouter aux dix-neuf premières de
la première édition. On
retrouvera ces vingt planches dans les quinze éditions qui
suivront, la dernière
étant publiée en 1997 aux USA. Pour informations,
les diverses éditions virent
le jour en 1836 (1ère
édition), 1839 (2è), 1844
(3è),
1849 (4è), 1856 (5è),
1862 (6è), 1868 (7è),
1877 (8è), 1883 (9è),
1901 (10è), 1913 (11è),
1921 (12è), 1991 (13è
aux USA), 1993 (14è)
et
1997 (15è aux USA). Actuellement on
trouve d’autres impressions
réalisées à partir de copies
scannées en ligne**. Ces copies ne comportent pas
les planches couleurs – même si elles sont souvent
annoncées dans le sous-titre
de l’ouvrage – cette remarque est aussi valable
pour bon nombre d’ouvrages
anciens, issus de copies en ligne sur l’internet.
Méfiance, si vous cherchez un
document pour ses illustrations ! Ces copies bon
marché réservent de
nombreuses surprises, pas toujours heureuses. En
1913, à Liverpool, Henry Young & Sons
publièrent une édition de luxe (250 exemplaires).
Elle comportait deux
volumes : le tome I contenant le texte du livre et les
planches avec
uniquement les dessins d’insectes et le second tome contenant
les mouches
artificielles réalisées selon les formules de
Ronalds, encapsulées dans des
pages découpées dans un carton épais,
le tout fort bien présenté. Cet ouvrage
de luxe en fait un des deux plus beaux livres de pêche
publiés au Royaume-Uni
avec le Quaint Treatise d’Aldam, de 1876, qui fera
l’objet d’une note
bibliographique dans un autre numéro du Bulletin. On
a beaucoup écrit sur la qualité
comparée des
planches dessinées des diverses éditions
précédant celle de 1913. Pour les
avoir eues toutes entre les mains, je noterai qu’à
mon humble avis, toutes ces
critiques viennent de la qualité de la gravure ou
plutôt du rang de
l’exemplaire à l’impression. Lors
d’une édition, les épreuves des
derniers
exemplaires gravés étant peut-être
moins bonnes que les premières. Les
acheteurs de l’édition de 1901 furent cependant en
droit de se plaindre car la
première planche de poissons qui y figure est vraiment de
piètre qualité. Il
faut aussi signaler que suite à
l’édition de
1862, furent commercialisées plusieurs séries de
portefeuilles à mouches,
contenant quelques pages titrées « Companion to Alfred
Ronald’s The
Fly-Fisher’s Entomology » avec
les descriptions des mouches du livre
de Ronalds et garnis de mouches artificielles montées sur
gut. Cet
ouvrage n’a jamais été traduit dans
notre
langue. Espérons que l’ABPM puisse le proposer un
jour aux adhérents bibliophiles qui
seraient intéressés… J’avoue que The Fly-Fisher’s Entomology d’Alfred Ronalds est certainement un de mes livres préférés. Même si, aujourd’hui, son contenu peut paraître un peu dépassé, lorsque j’ouvre ses pages il s’opère toujours en moi la même magie, à la vue des admirables illustrations que l’on retrouve souvent copiées dans d’autres ouvrages de pêche (sans citation de l'auteur). Je salue la performance de Ronalds, car, en 1836, publier un tel ouvrage ne devait pas être une sinécure. Paul Troël*
L’entomologie
du pêcheur à la mouche **Vous pouvez avoir accès à ces originaux scannés sur le site : https://archive.org - Ce site propose des ouvrages provenant notamment des grandes bibliothèques d’universités américaines, parmi lesquels de nombreux ouvrages de pêche, dons, pour beaucoup, de grands collectionneurs à ces établissements. (article paru dans le Bulletin de l'ABPM n° 41, décembre 2016) |