The Fly-Fisher's Entomology d'Alfred Ronalds

       

Les diverses éditions du livre d'Alfred Ronalds (contenant les planches couleurs) :
De droite à gauche :

  • L'édition de luxe (UK, 1913), avec ses deux volumes, le premier contenant le texte et les planches d'insectes, le second, des artificielles sur support, montées selon les formules de Ronalds ;
  • un coffret avec les 10 premières éditions de 1836, 1839, 1844, 1849, 1856, 1862, 1868, 1877, 1883 et 1901 (UK) ;
  • l'édition de 1921 (reproduite aussi aux USA en 1926) ;
  • l'édition sous coffret de 1993 par The Fly Fishers Classic Library (UK) ;
  • une belle édition américaine de 1997 par The Easton Press ;
  • une édition américaine de 1990 par The Wellfleet Press ;
  • un coffret contenant un portefeuille de mouches ainsi qu'un livret titré Companion to Alfred Ronald's The Fly-Fisher's Entomology (avec les formules de montage des mouches de Ronalds). Plusieurs éditions de ce livret, la première en 1862.
Depuis quelques années, on peut aussi trouver diverses copies économiques réalisées à partir de pdf en ligne, mais les planches, de qualité discutable, sont en noir et blanc.
The Fly-Fisher's Entomology : Alfred Ronalds

Si, chez les pêcheurs anglo-saxons, le livre le plus connu est le « Compleat Angler »d’Isaak Walton et de Charles Cotton, chez les moucheurs, il en est un qui eut longtemps leur préférence, c’est le livre d’Alfred Ronalds, « The Fly-Fisher’s Entomology »*, édité pour la première fois en 1836.

A cette période, l’auteur fit particulièrement preuve de courage et d’innovation en publiant un ouvrage d’avant-garde proposant des dessins d’insectes et des mouches artificielles correspondantes, avec les appellations latines initiées quelque quatre-vingts ans plus tôt par Linneaus. La production était et reste de qualité avec ses dix-neuf planches admirables de dessins, montrant notamment les mouches naturelles intéressant les pêcheurs et, à côté, leurs imitations emplumées. Chaque espèce et son artificielle font aussi l’objet d’une description accompagnée de la formule de montage du modèle. Cela en fit un ouvrage unique à cette époque. D’autres auteurs, notamment Halford et son ami Mosely, échouèrent à proposer la même qualité d’illustrations et nous aurions tendance à penser qu’aucun livre, avant La truite d’Antoine Vavon, consacré aux insectes aquatiques du pêcheur, ne vint rivaliser avec l’œuvre picturale de Ronalds.

C’était le résultat des collectes d’insectes et des patientes observations de l’auteur. A cette fin, dans les années 1830, Ronalds édifia une hutte, aménagée en observatoire à 1,50 m au-dessus de l’eau sur une rive de la rivière Blythe, affluent de la Trent, à l’ouest des Midlands, qui lui permit, avec quelques amis, de réaliser diverses expériences, certaines peu communes allant même jusqu’à proposer des grains de poivre ou des mouches de maison enduites de moutarde aux poissons afin d’analyser leurs réactions… Cet abri lui permit ainsi d’observer la vie aquatique au pied d’un virage de la rivière offrant divers profils de courants, sans être vu des truites et ombres.

Ronalds est né dans un faubourg de Londres en 1802. Rentré en apprentissage à l’âge de 15 ans, il devint rapidement un maître dans l’art de la gravure sur cuivre et de la lithographie. Manifestant un esprit ouvert et intelligent, il s’intéressa à d’autres sujets scientifiques comme le prouve le chapitre de son livre sur la vision des poissons dans lequel il maîtrise les lois de l’optique. Suite au succès de ses premières (petites) éditions, il exerça aussi la profession de monteur de mouches, au gré de ses déménagements au Pays de Galles.

Souhaitant peut-être se détacher du cadre de félicité évanouie avec le décès de son épouse, il émigra en Australie, en 1848, après avoir approuvé la quatrième édition de son livre. Il y mourut en 1860.

En 1856, à la cinquième édition de l’ouvrage, furent ajoutés quelques compléments, principalement dans la nomenclature des insectes, notamment certains noms d’espèces absents dans les éditions précédentes. Cette nomenclature est obsolète aujourd’hui. Nous vous proposons une table de synonymie actualisée.

Que Ronalds n’ait dépeint que des insectes adultes, excluant larves et nymphes – ce qu’osent lui reprocher certains auteurs britanniques aujourd’hui… - et leurs imitations artificielles à une période où les pêcheurs pratiquaient la mouche noyée, peut paraître étonnant. Mais le doute peut subsister sur la façon de pêcher de l’auteur quand il écrit que les mouches doivent être déposées doucement à la surface de l’eau et qu’elles doivent dériver librement avant que le pêcheur ne tende sa ligne… De nos jours, nous aurions plutôt tendance à noyer très rapidement nos mouches pour qu’elles viennent défier la truite dans les meilleures conditions, vers l’aval... Revient encore la question de l’utilisation de la technique de la mouche sèche qui ne devait certainement pas en être, en 1836, à son coup d’essai…

L’illustration du livre

En 1839, avec la deuxième édition, une vingtième planche, en frontispice – la belle planche montrant une truite, un ombre et un tacon -, vint s’ajouter aux dix-neuf premières de la première édition. On retrouvera ces vingt planches dans les quinze éditions qui suivront, la dernière étant publiée en 1997 aux USA. Pour informations, les diverses éditions virent le jour en 1836 (1ère édition), 1839 (2è), 1844 (3è), 1849 (4è), 1856 (5è), 1862 (6è), 1868 (7è), 1877 (8è), 1883 (9è), 1901 (10è), 1913 (11è), 1921 (12è), 1991 (13è aux USA), 1993 (14è) et 1997 (15è aux USA). Actuellement on trouve d’autres impressions réalisées à partir de copies scannées en ligne**. Ces copies ne comportent pas les planches couleurs – même si elles sont souvent annoncées dans le sous-titre de l’ouvrage – cette remarque est aussi valable pour bon nombre d’ouvrages anciens, issus de copies en ligne sur l’internet. Méfiance, si vous cherchez un document pour ses illustrations ! Ces copies bon marché réservent de nombreuses surprises, pas toujours heureuses.

En 1913, à Liverpool, Henry Young & Sons publièrent une édition de luxe (250 exemplaires). Elle comportait deux volumes : le tome I contenant le texte du livre et les planches avec uniquement les dessins d’insectes et le second tome contenant les mouches artificielles réalisées selon les formules de Ronalds, encapsulées dans des pages découpées dans un carton épais, le tout fort bien présenté. Cet ouvrage de luxe en fait un des deux plus beaux livres de pêche publiés au Royaume-Uni avec le Quaint Treatise d’Aldam, de 1876, qui fera l’objet d’une note bibliographique dans un autre numéro du Bulletin.

On a beaucoup écrit sur la qualité comparée des planches dessinées des diverses éditions précédant celle de 1913. Pour les avoir eues toutes entre les mains, je noterai qu’à mon humble avis, toutes ces critiques viennent de la qualité de la gravure ou plutôt du rang de l’exemplaire à l’impression. Lors d’une édition, les épreuves des derniers exemplaires gravés étant peut-être moins bonnes que les premières. Les acheteurs de l’édition de 1901 furent cependant en droit de se plaindre car la première planche de poissons qui y figure est vraiment de piètre qualité.

Il faut aussi signaler que suite à l’édition de 1862, furent commercialisées plusieurs séries de portefeuilles à mouches, contenant quelques pages titrées « Companion to Alfred Ronald’s The Fly-Fisher’s Entomology » avec les descriptions des mouches du livre de Ronalds et garnis de mouches artificielles montées sur gut.

Cet ouvrage n’a jamais été traduit dans notre langue. Espérons que l’ABPM puisse le proposer un jour aux adhérents bibliophiles qui seraient intéressés…

J’avoue que The Fly-Fisher’s Entomology d’Alfred Ronalds est certainement un de mes livres préférés. Même si, aujourd’hui, son contenu peut paraître un peu dépassé, lorsque j’ouvre ses pages il s’opère toujours en moi la même magie, à la vue des admirables illustrations que l’on retrouve souvent copiées dans d’autres ouvrages de pêche (sans citation de l'auteur). Je salue la performance de Ronalds, car, en 1836, publier un tel ouvrage ne devait pas être une sinécure.

Paul Troël

* L’entomologie du pêcheur à la mouche

**Vous pouvez avoir accès à ces originaux scannés sur le site : https://archive.org  - Ce site propose des ouvrages provenant notamment des grandes bibliothèques d’universités américaines, parmi lesquels de nombreux ouvrages de pêche, dons, pour beaucoup, de grands collectionneurs à ces établissements.

(article paru dans le Bulletin de l'ABPM n° 41, décembre 2016)